Le vol de Melko et l'Assombrissement de Valinor
Eriol retourna à la Chaumière du Jeu Perdu encore plus désireux de connaître l’histoire des Eldar. Il se rendait régulièrement dans la Pièce du Feu aux Contes et un soir, Lindo raconta comment la lumière de Valinor déclina et comment les Elfes quittèrent Eldamar.
Melko était en ce temps le serviteur de Tulkas. Jaloux des Eldar et de la beauté des gemmes dont il voulait s’emparer, il nourrissait également sa haine envers les Dieux. Dominant son impatience, il concocta de sombres plans.
Dès qu’il le pouvait, il fréquentait les Noldoli et prononçait des paroles fourbes. Il mendiait, essayant d’en prendre quelques-uns au piège, mais sans succès. Un jour donc, il dit aux Noldoli à propos du Conseil qui manda les chefs des Eldar à Valinor, que ceux-ci n’étaient que les esclaves des Valar. Il prétendit que même si les Valar leur donnaient de beaux jours, leurs cœurs étaient durs comme pierre et qu’ils usaient de l’adresse et de la beauté des Noldoli comme d’un ornement à leur royaume. Melko leur conseilla de réclamer l’héritage d’Ilúvatar et de parcourir le monde.
Beaucoup prêtèrent attention à ses paroles et l’agitation grandit. Melko leur apprit des choses qu’il déforma pour servir ses desseins, et qu’il eut été bon que seuls les Valar sachent. Les chants des Noldoli se turent et le bonheur en fut assombri. Leur soif de savoir ne fit que s’accroître, d’autant plus qu’en ce temps, Aulë venait de créer les alphabets. Melko œuvra longtemps mais n’atteignit pas son but, car la beauté des gemmes et la gloire des arbres retenaient les Noldoli. De plus, Nolëmë calmait les esprits. Il demanda conseil à Fëanor, Inwë et Ellu Melemno et ils décidèrent de parler à Manwë des agissements de Melko.
Ce dernier eut vent de cela et alla voir Manwë le premier, pour lui dire que les Noldoli murmuraient contre sa grandeur. Manwë fut attristé car il craignait depuis longtemps que l’amitié entre les Eldar et les Valar ne finisse par se briser. Mais les ambassadeurs de Nolëmë surgirent et lui apprirent la vérité. Les Noldoli furent renvoyés et Melko dut faire pénitence chez Mandos : il lui fut interdit de pénétrer en Valmar, jusqu’à ce que le grand festival ait eu lieu. Les Noldoli, furieux de la traîtrise de Melko, gardèrent tout de même une vive amertume contre les Ainur.
Manwë ordonna alors à Aulë de trouver un endroit où l’on pourrait bâtir une nouvelle cité pour eux. Ils trouvèrent une demeure au bord d’un ruisseau du nom d’Hiri, non loin de Kôr, car ils ne voulaient pas se séparer de leur première cité. Ils la nommèrent Sinurmen et y menèrent tous leurs trésors, mais laissèrent leurs livres et leurs tableaux à Kôr.
Melko alla donc chez Mandos, furieux contre les Noldoli et les Valar. Lorsqu’il y demeura pour la première fois, il se fit des amis parmi les esprits de l’ombre. De là, il envoya des espions invisibles pour surveiller la plaine.
Peu de temps après, arriva le grand festival auquel Manwë avait fait référence. De longues processions eurent lieu, réunissant tous les Elfes d’Eldamar. Les Dieux les accueillirent à Valmar et ils donnèrent de grands festins ensemble.
Au troisième jour des festivités, les Eldar avaient pour coutume de se vêtir de bleu et de blanc et de monter sur le Taniquetil où Manwë les entretenait de diverses questions. Melko choisit ce jour précis pour agir, car Kôr et Sinurmen étaient censées demeurer sans surveillance. Il se rendit avec sa compagnie là où tous les trésors des Noldoli étaient rassemblés. Ceux-ci, par souci de sécurité, avaient laissé une garde dans laquelle se trouvait Bruithwir, le père de Fëanor. Melko les tua tous et s’empara des gemmes et des Silmarils. Ensuite, ils se rendirent dans les écuries d’Oromë où ils capturèrent un troupeau de chevaux sauvages afin de faciliter leur fuite. Les Noldoli ne se rendirent compte du pillage que lorsque Melko et ses compagnons eurent déjà atteint les ténèbres qui envahissaient le sud.
Les Noldoli allèrent trouver Manwë pour lui annoncer la nouvelle. Il répondit qu’il partageait leur tristesse, mais que s’ils n’avaient pas accordé plus d’importance à leurs trésors qu’au festival, Bruithwir vivrait encore. Il ajouta aussi que la mort de ce dernier entraînerait de grands maux. Ce qui avait été fait pouvait être refait, rien n’étant plus précieux que la sagesse, si difficile à retrouver une fois perdue. Il leur ordonna donc de cesser de murmurer contre les Dieux et de ne plus faire confiance à Melko. Le cœur de Manwë était encore plus lourd que celui des Noldoli car tout avait mal tourné et il prévoyait pire. En effet, ses paroles leur avaient semblé froides et sans cœur.
Melko était à présent perdu dans les ténèbres d’Arvalin. C’est pourquoi il envoya un messager qui prit le titre de héraut aux portes de Valmar. Celui-ci dit aux Valar que l’acte de Melko était dû aux divers affronts et emprisonnements qu’ils lui avaient infligés. Melko exigeait donc qu’on lui construise une bâtisse et que les Noldoli, dont il souhaitait qu’ils fussent ses serviteurs, ornent son logis de leurs joyaux. A ce moment, les Dieux irrités par l’insolente ambassade de Melko le firent taire et un grand tumulte s’éleva chez les Valar. De fait, Melko n’avait envoyé ce messager que pour gagner du temps.
Manwë somma alors les Dieux de relâcher le héraut mais ils refusèrent, car ils lui reprochaient d’avoir troublé la sanctitude de Valmar.
Les Noldoli étaient unanimes sur ce point : le seul espoir qu’ils avaient de retrouver leurs joyaux était de capturer Melko. Varda, Aulë et Tulkas plaidèrent en leur faveur. Manwë décida donc de rejeter la demande de Melko et de l’exiler à jamais de Valmar, lui et ses serviteurs. Il voulut renvoyer le héraut de Melko mais les Vali l’enlevèrent et le précipitèrent du haut du Taniquetil. En voyant cela, Manwë jeta son sceptre et envoya Sorontur, le roi des Aigles, annoncer à Melko sa décision. De rage, celui-ci voulut tuer Sorontur.
Aulë parla alors à Manwë pour plaider la cause des Noldoli. Manwë les autorisa à repartir à Kôr et à continuer de fabriquer toutes sortes de belles choses. Nombre d’entre eux s’en retournèrent là-bas, bien que Fëanor continue à affirmer que rien ne pourrait plus leur redonner joie.
Il les rejoignit et les exhorta à pénétrer dans le monde. Insultant les Valar, il insinua la guerre entre les Noldoli et Melko, persuadant même certains de se présenter devant Manwë afin de lui demander s’ils pouvaient quitter Valinor en paix et être transportés dans le monde en sécurité. Manwë leur interdit de tenir de tels propos. Il leur parla de tous les dangers qu’ils encourraient et du pire qui devait arriver par le retour de Melko. Il leur révéla le pressentiment qu’il avait de la toute proche arrivée des Hommes et il ne voulait pas qu’ils soient en lutte avec les autres enfants d’Ilúvatar. Soucieux de les apaiser, il eut en fait un effet inverse à celui escompté.
Fëanor déforma les dires de Manwë, accusant les Valar d’avoir transporté les Eldar en Valinor pour laisser les Hommes diriger le monde de leurs mains maladroites. Il accusait Manwë de les avoir dupés en leur parlant des dangers du monde. Il incita les Noldoli à quitter Valinor. Fëanor eut beaucoup de partisans et ce fut là la réussite de Melko.
A ce moment-là, il errait en Eruman et trouva un endroit assez sombre pour cacher son butin. Il y rencontra Ungwë l’araignée qui se nourrissait de lumière et la faisait disparaître par ses toiles et tous deux se lièrent d’amitié.
Melko tissait un nouveau plan, plus grand encore que le vol des Silmarils. Voyant la gourmandise d’Ungwë, il lui offrit tout son trésor, excepté les Silmarils, pour qu’elle l’aide dans son entreprise.
Ils se rendirent et se cachèrent en Valinor et attendirent que Silpion ait fleuri. Pendant ce temps, Ungwë tissait une toile de pénombre. Elle laissa flotter ses ténèbres dans la plaine, semant une trouble obscurité et ils s’avancèrent vers Laurelin. Melko y enfonça une épée et Ungwë but toute la sève qui en jaillissait. Cet acte fut peu remarqué car il se passa lorsque Laurelin était au plus profond de son sommeil. Mais Ungwë avait aspiré tellement de lumière qu’elle se dirigea vers Silpion et cracha des coulées de nuit qui arrivèrent aux portes de Valmar. Melko voulut planter un couteau dans Silpion, mais un Noldoli du nom de Daurin se rua sur Ungwë et l’entailla. Melko réussit à prendre le couteau de Daurin et le poignarda tandis qu’Ungwë l’enveloppait dans sa toile. Il prit alors cette lame et poignarda Silpion. Le sang d’Ungwë se déversa sur l’arbre et assécha sa sève. Et sa lumière mourut.
Melko et Ungwë s’en furent et les Valar chevauchèrent vers les deux arbres en hâte. Les Noldoli confirmèrent que cet acte venait de Melko et ils n’avaient qu’un seul désir : celui de le pourchasser. A présent, le seul endroit où jaillissait encore de la lumière était la fontaine de Kulullin. Melko s’en fut vers le nord et Ungwë vers le sud. Il vint un moment où l’ombre se fit moins épaisse et où Tulkas aperçut Melko. Au moment où ce dernier était à portée de lance de Tulkas, une ceinture de brume les sépara.
Makar et Meassë chevauchèrent jusque chez Mandos pour qu’il surveille les sentiers du nord. Malgré tous les efforts déployés par les Valar, Melko réussit à s’enfuir, tant sa ruse était grande.
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