Lorsque Bilbo se réveilla, il se crut un instant chez lui, au chaud et dans son lit; mais ce n'était malheureusement pas le cas. Il dut alors s'apprêter au nouveau voyage, après avoir, bien entendu, pris son petit déjeuner fait des restes de la veille.
Il monta sur un grand aigle et d'autres s'élevèrent, emportant les Nains qui gardaient ainsi une dette envers leurs sauveteurs. Il était effrayé et dut à plusieurs reprises fermer les yeux, apeuré par la distance que l'aigle mettait entre lui et la terre. Les aigles les déposèrent l'un après l'autre sur un grand rocher, au milieu d'une rivière et, s’en allèrent après leur avoir dit adieu. Bilbo ne devait plus jamais les revoir.
La compagnie descendit du rocher et s'arrêta près d'une grotte située non loin de là afin de discuter de la suite de leur expédition. Gandalf leur apprit qu'il devrait les quitter avant peu, mais qu'il comptait auparavant les aider à trouver de quoi terminer leur route.
Ils partirent ensuite à la recherche de "quelqu'un", sans poser de questions mais restant tout de même attristés à l'idée de la séparation qui approchait. Le "quelqu'un" en question éveillait néanmoins la curiosité de Bilbo, et lorsque le magicien parla de son caractère inconstant, les Nains se rapprochèrent bien vite de lui. Ils parvinrent non sans mal à lui soutirer quelques informations.
L'être qu'ils recherchaient se nommait Beorn : un changeur de peau très ancien qui pouvait apparaître tour à tour comme un homme robuste ou un grand ours noir. Ils poursuivirent pensivement leur chemin et arrivèrent à la lisière des propriétés de Beorn.
Gandalf partit le premier avec Bilbo, après avoir recommandé aux Nains de le suivre deux à deux après qu'il ait lancé son appel, avec cinq minutes d'intervalle. Ils arrivèrent au portail et s'avancèrent le long de l'allée. Pénétrant dans la cour, ils purent voir Beorn, que ses chevaux avaient prévenu de l'arrivée des visiteurs. Il était alors très affairé à couper du bois et Gandalf les présenta tous deux. Beorn les fit entrer et le magicien appela les Nains.
Ils arrivèrent deux à deux, comme il le leur avait recommandé, interrompant son récit, mais accroissant de ce fait l'intérêt de Beorn. En effet, bien qu'il ne voulut pas l'admettre, ce dernier était fort intrigué par toutes ces aventures et, une fois que Gandalf eut terminé, il les invita à dîner bien que ce ne fut pas dans ses habitudes. Ses animaux dressèrent la table et il leur raconta les histoires qu'il connaissait, notamment celles de la forêt de Mirkwood où la compagnie devrait promptement s'aventurer.
Les récits continuèrent mais Beorn finit par se lasser et il partit. Gandalf les invita alors à dormir sans crainte dans les lits préparés à leur intention, et tous se couchèrent sans rien demander de plus.
Au matin, Bilbo fut réveillé par Bofur, qui avait trébuché sur lui et était tombé avec grand fracas. En se levant, les Nains ne trouvèrent aucune trace de Beorn, mais la table du petit déjeuner avait été dressée sous la véranda. Bilbo, après avoir demandé des nouvelles de Gandalf, se dirigea vers la nourriture. Personne ne vit Beorn de toute la journée, cependant Gandalf réapparut à l'heure du dîner. Il ne fut disposé à répondre à leurs questions qu'après avoir bu et mangé à satiété et après avoir tranquillement fumé sa pipe.
Enfin, il leur expliqua ses activités de la journée. Il avait relevé de nombreuses empreintes d'ours au dehors et les avait suivies jusqu'au Carrock, le rocher où les aigles les avaient déposés, puis jusqu'à la clairière où les Wargs les avaient attaqués.
Bilbo craignait qu'en allant de ce côté, Beorn, sous sa forme d'ours, ne mette sur leur piste des gobelins et des Wargs. Mais Gandalf les envoya dormir. Bilbo rêva toute la nuit qu'une gigantesque horde d'ours était à proximité.
Il fut réveillé par Beorn lui-même, qui les emmena déjeuner. Celui-ci était d'humeur fort joviale et leur apprit qu'il avait passé la journée et la nuit à rechercher des indices prouvant la véracité de leur histoire. Il avait pour cela contraint un gobelin et un loup à lui révéler leurs complots.
Beorn était désormais convaincu de leur sincérité et prêt à les aider du mieux qu'il le pouvait. Il avait tué ses informateurs et, après que Gandalf lui eut appris le véritable but de leur expédition, il s'engagea à fournir à chacun un poney, des vivres et des gourdes, ainsi que des arcs et des flèches. Il les conseilla ensuite sur le chemin à prendre au milieu de la forêt.
De plus en plus effrayés, ils partirent sur les poneys de Beorn après maints adieux à leur hôte. Ils prirent le chemin qu'il leur avait indiqué, inquiets de la poursuite des gobelins qui se préparait derrière eux. Ils cheminèrent silencieusement et finirent par établir un campement à la tombée de la nuit, mais ne dormirent que d'un sommeil agité.
Ils progressèrent ainsi deux ou trois jours durant, sans apercevoir un quelconque changement dans les paysages environnants. Ils étaient seuls, mais Bilbo crut plusieurs fois apercevoir un ours qui les suivait. Le lendemain ils repartirent et la forêt de Mirkwood se dressa bientôt devant eux, sombre et menaçante. Ils durent alors renvoyer les poneys à Beorn, qui les suivait effectivement de loin sous sa forme d'ours, tant pour veiller sur la compagnie que sur ses animaux, qu'il aimait plus que tout.
Gandalf ne renvoya pourtant pas son cheval, car il lui fallait partir régler ses propres affaires, comme il l'avait appris quelques jours auparavant à ses amis. Ils passèrent donc leur dernière nuit ensemble et le lendemain, répartirent le chargement des poneys entre eux avant de les libérer.
Le magicien prit alors congé, non sans leur avoir une fois de plus conseillé de ne pas quitter le chemin tracé et ils pénétrèrent dans la sombre forêt.