L'épilogue du Seigneur des Anneaux |
Le texte qui suit aurait normalement dû constituer le dernier chapitre du Seigneur des Anneaux mais, influencé par l'avis de ses amis qui avaient lu le livre avant sa publication, Tolkien décida finalement de ne pas l'inclure. Il devait cependant le regretter par après...
La présente version, publiée en 1992 dans HoMe 9 Sauron Defeated n'a jamais été traduite en français auparavant. Il existe par contre une autre version, apparemment « définitive », publiée dans ce même livre et traduite elle dans Dragon Magazine en 1993. Toutefois, même si elle avait été abandonnée par Tolkien, la première version comporte une saveur particulière qu'on ne retrouve pas dans l'autre et qui est due principalement au style direct et à la présence de tous les enfants de Sam.
Je me dois aussi d'expliquer quelques choix de traduction : j'ai tenu à rendre au mieux l'esprit qui se dégageait de l'original, parfois aux dépens de la concordance avec la traduction de Francis Ledoux qui est loin de me satisfaire en tous points, mais j'ai cependant gardé quelques-unes unes de ses traductions de noms, quand elles me semblaient judicieuses, pour éviter des changements gratuits qui déstabiliseraient le lecteur.
Je n'ai pas voulu annoter ce texte car je trouve que cela en diminuerait la magie, mais je suis prêt à apporter toutes les précisions et justifications que vous jugeriez nécessaires sur le forum de TolkienFrance.
Et par une soirée de mars, Maître Samsagace Gamegie prenait ses aises auprès du feu dans son bureau, et les enfants étaient tous rassemblés autour de lui, ce qui n'était pas du tout inhabituel, bien que ce soit toujours censé être une faveur.
Il venait de lire à voix haute (comme à l'habitude) des passages d'un grand Livre Rouge posé sur un lutrin, et sur un tabouret à côté de lui était assise Elanor ; c'était une enfant superbe, plus svelte et à la peau plus claire que la plupart des filles hobbites, et elle était à présent bien entrée dans l'adolescence ; et il y avait le jeune Frodo sur une natte, une copie conforme de Sam, en dépit de son nom ; et Rose, Merry, et Pippin étaient assis dans des fauteuils bien trop grands pour eux. Boucles d'Or était déjà au lit, car en ceci la prédiction de Frodo était légèrement fausse qu'elle était venue après Pippin, et elle n'avait que cinq ans et le Livre Rouge n'était pas encore tout à fait pour elle. Mais elle n'était pas la dernière de la lignée, car Sam et Rose semblaient partis pour rivaliser avec le vieux Gerontius Took au niveau du nombre de leurs enfants tout comme Bilbo l'avait dépassé en âge. Il y avait aussi le petit Ham, et il y avait Marguerite dans son berceau.
– Eh bien ma chérie, dit Sam, elle poussait là autrefois, car je l'ai vue de mes propres yeux.
– Et elle y pousse toujours, papa ?
– Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement, Ellie. Je ne suis jamais reparti en voyage, comme tu le sais, ayant à m'occuper de vous autres la racaille légitime comme aurait dit le Vieux Saruman. Mais M. Merry et M. Pippin, ils sont allés dans le Sud plus d'une fois, car c'est comme s'ils étaient aussi chez eux là-bas maintenant.
– Et n'ont-ils pas grandi ? dit Merry. J'aimerais devenir grand comme M. Meriadoc du Pays de Bouc. C'est le plus grand hobbit qui ait jamais vécu : plus grand que Bandobras.
– Pas plus grand que M. Peregrin Touque de Touquebourg, dit Pippin, et il a des cheveux presque dorés. L'appelle-t-on Prince Peregrin là-bas dans la Cité de Pierre, papa ?
– Eh bien, il ne l'a jamais dit, dit Sam, mais on l'y tient en haute estime pour autant que je sache. Mais où en étions-nous ?
– Nulle part, dit le petit Frodo. Je veux entendre à nouveau l'histoire de l'Araignée. Je préfère les passages où tu interviens, papa.
– Mais papa, tu parlais de la Lórien, dit Elanor, et de si oui ou non ma fleur y poussait toujours.
– Je suppose que oui, Ellie chérie. Car comme je le disais, M. Merry, il dit que bien que la Dame soit partie les Elfes vivent toujours là-bas.
– Quand pourrai-je aller voir ? Je veux voir des Elfes, papa, et je veux voir ma fleur à moi.
– Si tu regardes dans un miroir, tu en verras une plus jolie, dit Sam, bien que je ne devrais pas te le dire, car tu t'en rendras compte bien assez tôt par toi-même.
– Mais ce n'est pas la même chose. Je veux voir la colline verte et les fleurs blanches, et dorées, et entendre les Elfes chanter.
– Alors peut-être cela arrivera-t-il un jour, dit Sam. Je disais la même chose quand j'avais ton âge, et longtemps après, et il semblait n'y avoir aucun espoir, et pourtant c'est arrivé.
– Mais les Elfes continuent à prendre la mer, n'est-ce pas, et bientôt il n'y en aura plus aucun, hein papa ? dit Rose ; et alors il ne restera plus que des endroits, tous très jolis, mais, mais
– Mais quoi, ma petite Rosie ?
– Mais pas comme dans les histoires.
– Eh bien, il en serait ainsi s'ils s'en allaient tous, dit Sam. Mais on m'a dit qu'ils ne faisaient plus voile pour le moment. L'Anneau a quitté les Havres, et ceux qui ont décidé de rester quand Maître Elrond est parti sont toujours là. Et donc il y aura encore des Elfes pour maints et maints jours.
– Je trouve tout de même que c'était très triste lorsque Maître Elrond a quitté Fondcombe et que la Dame a quitté la Lórien, dit Elanor. Qu'est-il advenu de Celeborn ? Est-il très triste ?
– Je suppose, ma chérie. Les Elfes sont tristes ; et c'est ce qui les rend si beaux, et ce pourquoi on ne les voit pas beaucoup. Il vit dans son propre pays comme il l'a toujours fait, dit Sam. La Lórien est son pays et il aime les arbres.
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