« Tous les noms ne se trouvant pas dans la liste suivante doivent être laissés entièrement inchangés dans toutes les langues de traduction, sauf pour l'inflexion finale -s , -es qui doit être rendue en accord avec la grammaire de la langue. Il est désirable que le traducteur lise l'appendice F dans le volume III du Seigneur des Anneaux et qu'il suive la théorie qui y est expliquée. Dans le texte original, l'anglais représente le parler commun de l'époque supposée. Les noms qui sont donnés en anglais moderne représentent donc les noms en parler commun, ceux-ci étant parfois (mais pas toujours) des traductions de noms plus anciens dans d'autres langues, surtout en Sindarin (Elfe gris). La langue de traduction remplace donc le parler commun par l'anglais, c'est pourquoi les noms de forme anglaise doivent être traduits dans l'autre langue en accord avec leur signification (aussi fidèlement que possible). » (J.R.R. Tolkien, Nomenclature of The Lord of the Rings)
Cet extrait montre à quel point le respect des noms propres était important pour Tolkien dans le cadre de la traduction de son oeuvre. La « liste suivante » est longue et je ne vous la donnerai donc pas en entier, mais j'ai jugé intéressant de prendre quelques exemples parmi les noms de personnages et de lieux les plus connus et d'en commenter la traduction. Cet article constitue également un tableau de correspondance assez utile pour ceux qui se perdent dans les changements de noms dus aux incohérences entre les traductions des différents livres de Tolkien.
Baggins > Sacquet
Bonne traduction selon les instructions de Tolkien : non seulement elle contient l'élément « sac », équivalent français de bag , mais elle rend aussi le diminutif ins (abréviation de inches « pouces ») par la finale et . Le possible jeu de mots avec bagging (du verbe to bag « mettre la main sur », rapport à la découverte de l'Anneau par Bilbo) n'est pas mentionné par Tolkien et est de toute façon impossible à rendre en français.
Bag End > Cul-de-Sac
Traduction aisée car Tolkien lui-même donne « 'puddingbag' = cul de sac » dans son « Guide des noms », ce mot étant entré dans le vocabulaire anglais. Il insiste également pour que le même élément (bag « sac ») apparaisse dans la traduction de Baggins , ce qui est le cas avec « Sacquet ».
Barrow downs > Hauts des Galgals
Deux mots assez problématiques : le premier possède trop de traductions différentes, le second pas assez ! « Galgal » est un choix qui peut se justifier par le fait que ce mot est le seul de la série qui est associé à la notion de crypte, et « hauts » est une des possibilités pour contourner le terme downs . C'est donc un cas typique de nom dont la traduction française n'est pas en mesure de rendre la signification précise de l'original.
Bilbo > Bilbon
Ce nom ne figure pas dans la liste : il n'aurait donc pas dû être « traduit ». Francis Ledoux a ici outrepassé les injonctions de Tolkien dans son optique de francisation systématique des noms qui n'est pas justifiable. De plus, l'incohérence avec « Bilbo le Hobbit » qui en résulte est catastrophique puisque le héros et le titre du premier livre se retrouvent modifiés dans le second !
Brandybuck > Brandebouc
Bonne traduction qui rend à la fois l'élément buck «chevreuil / bouc » et les sonorités de l'original. L'élément brandy « cognac, eau de vie » ne peut être traduit pour des raisons de similitude avec l'exemple qui suit, la rivière Brandywine (« Brandevin ») qui elle-même doit garder cet élément à cause de son origine même...
Brandywine > Brandevin
Ce nom ne peut être traduit intégralement car il est censé être une altération hobbite du mot sindarin Baránduin qui désignait ce cours d'eau. Tolkien propose Brendevin pour la traduction danoise, ce qui justifie amplement le choix de «Brandevin» en français, son homographe à une lettre près.
Butterbur > Poiredebeurré
Le butterbur étant une plante, Tolkien recommande d'employer comme traduction n'importe quel nom de plante contenant l'élément « beurre ». La seule possibilité en français semble être le « beurré », une sorte de poire fondante. «Beurré» ayant une connotation un peu trop forte (surtout pour un aubergiste !), Ledoux a préféré « Poiredebeurré », peu esthétique mais adéquat.
Cotton > Chaumine
Rien à voir avec le coton (qui, comme le précise Tolkien, n'avait pas encore été découvert à l'époque) : ce nom provient de la juxtaposition des éléments cot (cottage) et ton (abréviation de town « ville »). En accord avec la traduction de Hobbiton par « Hobbitebourg » on attendrait donc « Chaumebourg ;», mais c'est un peu long et « Chaumine » convient tout autant.
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